“Tes Yeux ont vu” de Jérôme Dubois (Cornelius, 2017)

Il y a de ces ouvrages qui sont de véritables leçons. "Tes yeux ont vu" fait partie de ceux-là. Jérôme Dubois nous y donne une belle et complète leçon de rythme, de composition, de minimalisme. Trois couleurs et des lignes froides et tranchantes, qui guident notre regard à travers des planches qui laissent le temps au temps, qui laissent le temps avant tout et surtout au brouillard de se faire, de tomber sur l'univers urbain, brutaliste, aux accents pourtant bel et bien gothiques de sa fiction.

"Tes yeux ont vu" parlent de la synthétisation de toute pièce d'un être humain par une scientifique : c'est l'histoire de Frankenstein à l'époque moderne si vous voulez. C'est une nouvelle tournure des évènements, dévoilés à travers les yeux de la créature nommée Emet. C'est la condition humaine qui s'abat sur son héros, l'ouverture au monde, ce monde si vaste que l'on ne saurait apprécier dans son entièreté tout le temps de notre existence, et la recherche de sens.

L'univers déployé par Jérôme Dubois dans cette seconde bande dessinée est glacial, le rythme est dosé à la perfection lorsque l'on laisse l'histoire nous porter et notre attention se poser, il frappe à intervalles réguliers comme un gong. Il ne suffit d'ailleurs que d'une succession de phylactères sortant de la bouche d'un directeur pour que Jérôme nous tétanise, nous fasse réaliser, avec si peu en apparence, toute sa maestria. Un instant suspendu, une déambulation puis... les apparitions sans détour, le face-à-face avec soi, avec le passé, ce qui nous constitue et le reste : ce caillou fait de matière et de beaucoup trop de vide, qui nous entoure.

"Tes yeux ont vu" arrive à se doter d'une atmosphère titanesque, qui surplombe, englobe, envoûte, captive, magnétise, sans jamais sortir les grands sabots, jamais se faire pompier, toujours avec la sobriété du trait tiré au bon endroit, au bon moment. Merci Jérôme de nous ouvrir les yeux, en grand.

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